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Située dans les montagnes du nord-est du Japon, la préfecture d’Akita (秋田) est réputée entre autres pour ses hivers enneigés et sa gastronomie riche en produits fermentés. Grand tour de l’Akita, depuis les déités monstrueuses de la péninsule d’Oga jusqu’à l’alchimie d’une brasserie de fermentation à Yuzawa, en passant par les boîtes de cèdre courbé à Odate, les résidences de samouraï de Kakunodate, la plus grande archive de mangas du Japon et les entrepôts secrets de Masuda à Yokote.

Akita, la ville d’art et de culture

La capitale de la préfecture d’Akita est sa fenêtre sur le monde, ouverte aux influences étrangères et rassemblant ses traditions culturelles. Avec un aéroport et une gare de shinkansen, c’est un point de départ idéal pour découvrir la région.

Des fresques de l’Akita au cours des saisons

En plein centre-ville d’Akita, le Musée d’Art d’Akita (秋田県立美術館) habite une structure de béton imposante dédiée à l’art contemporain conçue par l’architecte renommé Tadao Ando (安藤忠雄), où les panneaux triangulaires du plafond de l’atrium surplombent un dramatique escalier en colimaçon sur un sol en granit. Prenant le relais de l’ancien musée préfectoral depuis 2013, le nouveau Musée d’Art d’Akita reste fidèle à sa mission principale de conserver la collection personnelle de Masakichi Hirano (平野政吉), un collectionneur d’art issu d’une riche famille marchande de la ville d’Akita.

vue en contre-plongée de l'atrium du Musée d'Art d'Akita

Au cœur de sa collection se trouvent les œuvres de Tsugouharu (Léonard) Foujita (藤田嗣治), un artiste japonais formé à la peinture occidentale à Tokyo avant d’établir sa réputation à Paris à la fin des années 1910. La galerie permanente qui lui est consacrée met en valeur l’immense peinture murale Événements d’Akita (秋田の行事) créée par Foujita dans un grenier à riz en 1937 : un hommage passionné à la région, décrivant ses trois grands festivals saisonniers ainsi que la vie quotidienne des habitants en hiver.

Défilés de lanternes Kanto en équilibre lumineux

Parmi ces grands festivals, le plus célèbre, et sans doute le plus spectaculaire, est le festival Kanto qui a lieu chaque été du 3 au 6 août. Il s’agit d’un des événements destinés à chasser la somnolence de l’été qui date de la période d’Edo, lorsqu’on brandissait des lanternes pour accueillir les esprits et prier pour une bonne récolte de riz. Pendant quatre jours et quatre nuits, de jeunes hommes se défilent au centre-ville en tenant de magnifiques assemblages de lanternes appelés kanto (竿燈) en équilibre sur la paume, le front, l’épaule ou la hanche, où la lueur joyeuse des kanto éclaire chaque soirée de bon augure.

Au Centre des arts du spectacle traditionnels de la ville d’Akita (秋田市民俗芸能伝承館), vous pouvez admirer de près les différents styles et tailles de kanto, dont le plus grand (owaka) mesure plus de 12 mètres et pèse environ 50 kg. Il y a même de la place pour essayer vous-même cet art délicat de tenir un kanto en équilibre, pour mieux apprécier les compétences accumulées des enfants de l’Akita. Il est conseillé de commencer avec le plus petit (yowaka) pour monter en taille au fur et à mesure que vous vous sentez à l’aise avec la paume, et de bouger tout le corps, pas seulement le poignet, en fonction du kanto !

Le Hinai-jidori, une des grandes volailles japonaises

Le Hinai-jidori (比内地鶏) est une des trois grandes volailles du Japon, élevé depuis la période d’Edo dans le nord de l’Akita. Reconnaissable entre autres par son long cou et sa petite crête, le Hinai-jidori est élevé en plein air pendant au moins 100 jours, et sa viande ferme et succulente ressemble à celle des faisans et des pigeons de montagne indigènes.

Le restaurant-izakaya Sot-l’y-laisse (ソリレス), dont le nom français fait référence à ce morceau de viande très fin situé de chaque côté de la carcasse au-dessus du croupion, se spécialise en poulet Hinai-jidori : en sashimi rose pâle et rouge saignant à tremper dans le sel rose et la sauce de soja, en boules de tsukune moelleuses recouvertes d’une sauce douce, le foie sur des toasts, les gésiers rouges vifs grillés en brochette, ou d’autres morceaux de choix couronnant des inaniwa udon délicatement enroulées dans le creux de l’assiette.

Oga, la péninsule d’une beauté sauvage

À l’ouest, la péninsule d’Oga (男鹿) séduit par l’extrême beauté de sa côte sauvage. Rendez-vous au cap Nyudozaki (入道崎) pour visiter le grand phare historique et enjamber la ligne de 40˚ de latitude nord, latitude à laquelle se trouvent également les villes de New York et Madrid. C’est ici que des vents enragés attisent de splendides couchers de soleil sur la plage escarpée sous un ciel enflammé. 

Les falaises Shishi Otoshi sont couvertes de roche volcanique formée suite à une éruption il y a quelque 70 millions d’années. Les morceaux de ce rocher qui tombent dans la mer et sont polis par les vagues deviennent les pierres utilisées pour la cuisine ishiyaki.

La cuisine de soupe aux pierres volcaniques

L’ishiyaki ryori (石焼料理) est une méthode de cuisson qui remonte à une époque où les pêcheurs qui s’éloignaient des côtes rocheuses d’Oga dans des bateaux en bois se débrouillaient avec les moyens à bord pour cuisiner leur déjeuner. Ils mettaient la pêche du jour avec des algues marines, des champignons, des poireaux, de l’ail et autres dans une grande cuve d’eau, puis y ajoutaient des pierres brûlantes afin de faire cuire tous les ingrédients en les mijotant, le tout au goût du miso. Aujourd’hui, la cuisine ishiyaki est plus un spectacle pour touristes animé de grosses bouffées de vapeur, de crépitements du feu, et des fameuses pierres de roche volcanique luisantes d’un rouge ardent à 800 degrés.

Au Seiko Grand Hotel (セイコーグランドホテル) d’Oga, vous pouvez apprécier ce spectacle culinaire et en manger les délicieux fruits de mer : un bol de soupe savoureuse avec des morceaux de daurade bien cuite.

Le folklore des Namahage aux masques monstrueux

C’est au pied des montagnes couvertes de denses forêts qu’est né le folklore des namahage, dont on reconnaît facilement les masques de ces déités à cornes iconiques, souvent un rouge et un bleu, un peu partout dans la région d’Oga. Selon la tradition, chaque année à la veille du 1er janvier, les namahage (en réalité de jeunes hommes portant les masques effrayants et des outils typiques, habillés en costumes de paille) descendent de la montagne et émergent de l’obscurité pour visiter des foyers du village et vérifier que tout le monde se porte bien et travaille bien, qu’on s’occupe bien des grands-parents âgés, qu’il n’y a pas de paresse chez les jeunes. Car il s’agit d’une façon extrême et théâtrale d’enseigner la bonne morale aux petits !

Mais si les namahage ont une apparence monstrueuse assez impressionnante, ce sont avant tout des déités qui apportent à chaque famille la bonne santé et une bonne récolte des champs et de l’océan. Ils sont accueillis avec la plus haute courtoisie, pendant qu’on leur sert à manger et à boire du bon saké pour les remercier de leur visite bienveillante.

Près du sanctuaire Shinzan, le Musée de Folklore d’Oga Shinzan (男鹿真山伝承館) propose aux visiteurs un court spectacle de théâtre à l’intérieur d’une vieille maison au toit de chaume et aux décors d’antan. Assis sur des tatamis dans la pièce à côté, vous pouvez témoigner de la visite rituelle de deux namahage à la maison, précédé de leur sakidachi annonciateur, tapant le sol des pieds, parlant d’une voix forte pour éloigner les mauvais esprits, et n’hésitant pas à traverser le quatrième mur pour « terroriser » les spectateurs de bon cœur. À la fin du spectacle, ramassez un morceau de paille tombé des namahage : c’est un objet sacré qui peut vous protéger du mal. Si vous l’enroulez autour de la tête ou l’accrochez à la porte de votre maison, il vous aidera à vivre une vie saine.

À quelques pas de la maison, le Musée de Namahage (なまはげ館) prend la forme d’une forteresse construite de pierres extraites du mont Kampu. Il expose plus de 150 masques et de costumes de namahage issus de quelques 60 lieux dans la ville d’Oga, ce qui permet d’apprécier nombre de variations aussi curieuses que ludiques de ces personnages folkloriques.

Le shottsuru yakisoba, des nouilles à la sauce de poisson divin

La sauce shottsuru de l’Akita a sa place dans la tradition des sauces de poisson asiatiques, comme le nuoc mam viêtnamien ou le nam pla thaï. Mais si toutes ces sauces umami commencent par la fermentation du poisson (sardine, anchois, etc.) avec le sel, l’intérêt particulier de la sauce shottsuru, c’est le poisson dont elle est issue : le hatahata (Arctoscopus japonicus) est un poisson sans écailles indigène de la mer du Japon au large de la péninsule d’Oga, considéré comme un poisson envoyé par Dieu, car ils s’écraseraient brusquement sur le rivage avec les grosses vagues et le bruit du tonnerre à l’arrivée de l’hiver.

assiette de shottsuru yakisoba

Au sud de la péninsule, près de la gare d’Oga, le restaurant attaché au grand magasin de souvenirs Ogare est fier de présenter sa spécialité de shottsuru yakisoba (しょっつる焼きそば), servie par un robot. C’est un savoureux plat de nouilles soba grillées aux fruits de mer et à la fameuse sauce shottsuru, plus fine que la sauce de soja, qui fait de ces yakisoba locales une vraie gourmandise.

Odate, ville natale de Hachiko

Vous connaissez peut-être l’histoire de Hachiko, le chien Akita qui dans les années 1920 accompagnait et attendait le retour de son maître devant la gare de Shibuya à Tokyo chaque matin et soir… même après la mort soudaine du maître en 1925, et jusqu’à sa propre mort dix ans plus tard. Aujourd’hui, la fameuse statue de Hachiko guette toujours la sortie de la gare de Shibuya, indifférente au développement incessant du quartier au cours du dernier siècle. Si Hachiko est sans doute le plus célèbre des chiens Akita, sa race est fidèlement préservée dans sa ville natale d’Odate (大館) dans le nord de l’Akita, où se trouve notamment le Musée du chien Akita (秋田犬会館).

Odate a aussi sa propre statue de Hachiko, aux deux oreilles dressées, qui fait face à la gare d’Odate. Derrière lui, la façade du nouveau centre de tourisme Akita Inu no Sato (秋田犬の里) reprend le modèle de l’ancienne gare de Shibuya dans les années 1920. À l’intérieur, d’innombrables peluches et autres objets et expositions thématiques capitalisent sur la nature incontestablement mignonne des Akita inu. On peut aussi y observer des vrais chiens Akita derrière une vitrine dans une salle séparée.

Les magewappa en bois de cèdre d’Akita

La ville d’Odate cultive l’art du magewappa (曲げわっぱ), une forme d’artisanat qui consiste à chauffer et courber le bois de cèdre d’Akita naturel pour fabriquer de petits récipients, traditionnellement utilisés pour transporter la nourriture comme le riz. Pendant la période d’Edo, la famille Satake Nishi, qui habitait le château d’Odate, remarqua l’abondance du cèdre d’Akita sur leur territoire et recommanda aux samouraïs de développer les techniques du magewappa. Car le cèdre d’Akita naturel, avec son riche arôme, son beau grain et sa douce couleur, donne à la nourriture qu’il enveloppe en bento une sensation luxueuse. En outre, la propriété anti-bactérienne naturelle du cèdre empêche le riz de se gâter, grâce à la finition en bois brut.

Juste à côté de sa boutique de merveilleuses magewappa, Shibata Yoshinobu Shoten (柴田慶信商店) propose un atelier d’Odate magewappa pour assembler votre propre marubentobako (boîte de bento ronde). L’assemblage comprend la « couture » avec l’écorce de cerisier de montagne, la colle et l’adhésion par coups de maillet, et surtout l’art fin du lissage au papier de verre en utilisant différents degrés de papier pour finir le bois jusqu’à la douce caresse.

du riz au poulet servi dans une boîte d'Odate magewappa

Dans la même rue se trouve le restaurant de Hanazen (花善), la marque spécialisée depuis 1947 en ekiben (boîte de bento vendue à la gare) de tori-meshi (riz au poulet) de la gare d’Odate. C’est l’occasion de (re)découvrir ce plat de réconfort local, réinventé comme un mets élégant présenté dans d’authentiques boîtes de bento d’Odate magewappa qui ont servi pendant une vingtaine d’années. Le cèdre d’Akita des boîtes magewappa garde la chaleur et absorbe l’eau superflue du riz cuit, ce qui rend le riz plus moelleux. Montez au deuxième étage pour voir les employés de l’usine remplir les bentos de tori-meshi fraîchement préparé, ainsi que la grande boîte de magewappa qui contient le riz d’Akita Komachi cuit à la vapeur.

Une traversée rurale et souriante de l’Akita en train

La ligne de train Akita Nairiku « Smile Rail » traverse la préfecture d’Akita du nord au sud sur 95 kilomètres et 29 stations, de Takanosu (鷹巣) à Kakunodate (角館). Ce petit train vintage de loisir longe la zone de satoyama entre la montagne et les champs agricoles en passant par nombre de villages où les habitants vous accueilleront avec leur produits locaux accompagnés d’un grand sourire.

Au printemps, profitez des fleurs en pleine floraison avec des plantes comestibles ; en été, ne manquez pas les festivals et les dessins artistiques formées dans les rizières vus du train ; en automne, dégustez les champignons et admirez le feuillage enflammé depuis les ponts ; en hiver, préparez-vous au ski et les merveilleux « monstres de neige » (juhyo) sur le mont Moriyoshi ! À mi-chemin, la station Ani-Matagi rend hommage aux chasseurs Matagi qui habitaient cette région montagneuse. Ouvrez la fenêtre pour sentir l’air frais et les odeurs changeantes de la campagne, et buvez un cidre du Smile Rail en souvenir du voyage.

Semboku, l’ancien village des samouraï

Dans la ville actuelle de Senboku (仙北), l’ancienne ville-château de Kakunodate (角館) reste presque inchangée depuis son établissement en 1620 par le seigneur féodal Ashina Yoshikatsu. Longeant la rivière Hinokinai avec un tunnel de cerisiers sur 2 kilomètres, ce lieu entouré de montagnes sur trois côtés était naturellement protégé par la géographie pendant des siècles, avant d’être officiellement préservé pour sa signification historique à la fois culturelle et architecturale. 

Bukeyashikidori, la rue des résidences de samouraï

La grande rue « résidence de samouraï » Bukeyashiki (武家屋敷通り) traverse le quartier sur toute sa longueur, depuis la zone des commerçants au sud jusqu’à la zone des samouraïs au nord, où des dizaines de résidences demeurent intactes parmi plus de 400 cerisiers pleureurs et d’autres sapins centenaires. Les descendants directs de ces familles de samouraï habitent toujours ces maisons traditionnelles, dont six sont ouvertes à la visite du public.

Parmi elles, la Maison Ishiguro (石黒家) est la plus ancienne et représentative de la plus haute classe de samouraï sous le seigneur du clan Satake Kita. Souvent Ishiguro-san lui-même, un monsieur accueillant et sympathique de la 13e génération de sa famille, se présente pour vous faire la visite des parties publiques de son manoir, dont une plaque près de la porte Yakui-mon indique la date de sa fondation en 1809. Ainsi on découvre les différentes entrées de la résidence, selon le rôle et le rang de l’habitant ou de l’invité, et plusieurs détails des pièces à sol de tatami, comme les dessins de tortues découpées dans le bois de zelkova sous le plafond, l’élégante alcôve ornée de calligraphie, ou le délicat foyer en creux irori dans la pièce à manger. Du côté du jardin, des fenêtres sous le haut plafond laissent entrer beaucoup de lumière naturelle avec une vue du dessous du toit de chaume. La salle d’exposition et l’entrepôt uchigura présentent d’autres documents et artefacts de la période d’Edo, y compris la grande flèche en bois protectrice de la maison, dont une reproduction reste accrochée au portail extérieur.

À côté, la Maison Aoyagi (青柳家) est aménagée en musée avec des expositions plus denses de livres, d’armures, d’armes à feu et d’épées, ainsi que différents outils et artefacts de la vie quotidienne. Dans le jardin, on retrouve notamment le buste du samouraï Odano Naotake, le peintre qui a ramené en Akita les techniques de peinture occidentale pour établir ce qui est devenu l’école de l’Akita Ranga. Derrière lui, une série de planches retrace son parcours artistique entre l’Europe et le Japon.

Au sud de la rue Bukeyashiki dans la zone commerçante, l’hôtel Tamachi Bukeyashiki (田町武家屋敷ホテル) vous propose un séjour authentique dans une maison de commerçant reconvertie en logement de grand standing. Tout le bâtiment met en valeur la beauté de son architecture de bois avec des poutres apparentes, des perspectives en profondeur, et du charme local dans chaque chambre.

Un menu gourmand pour les férus de la fermentation

Forte de sa nécessité de conserver les aliments pendant de longs hivers enneigés, l’Akita a développé sa propre culture de la fermentation gastronomique depuis les temps anciens. Les produits fermentés sont également riches en micro-organismes probiotiques qui contribuent à la bonne santé intestinale et immunitaire des habitants.

À un coin de rue du vieux centre de Kakunodate, le Shokudo Inaho (食堂稲穂) se spécialise dans la cuisine caractéristique de l’Akita, avec une touche créative. Au menu, on retrouve la marmite de kiritanpo (boulettes de riz grillé) au bouillon Hinai-jidori, le pot-au-feu à la sauce shottsuru, les inaniwa udon aux garnitures végétales multicolores, et surtout, nombre de variations de l’incontournable iburi gakko. Délice omniprésent dans la gastronomie régionale, l’iburi gakko est une espèce de radis local fumé et fermenté au sel et au son de riz, souvent coupé en tranches fines comme plat d’accompagnement. Il se décline dans plusieurs cases du Gakko kaiseki (がっこ懐石), un menu de dégustation qui comprend une grille gourmet de neuf entrées, toutes fermentées : des iburi gakko frits en tempura, marinés au miso ou partageant la case avec le natto, des tomates cerises fermentées au sel, le daikon rose au vinaigre, le chou-fleur au curry, un mélange de légumes de saison confits et coupés au carré.

De succulents sakés de riz hybrides de l’Akita

En parallèle avec la fermentation acétique au vinaigre, la fermentation alcoolique du riz de l’Akita a produit des sakés qui ont également évolué au cours des siècles, catalysée par le ferment japonais appelé koji (aspergillus oryzae).

extérieur de la brasserie de saké Suzuki|Hideyoshi dans l'Akita

La brasserie de saké Suzuki|Hideyoshi ( 鈴木酒造|秀よし), fondée par Matsuemon Suzuki en 1689, est une des plus anciennes brasseries de l’Akita. Le nom de marque remonte à une exclamation du seigneur Satake, qui lors d’un concours de 1848 estima que leur saké était d’une excellence sans égal (« hiidete yoshi »). Depuis 19 générations de la famille Suzuki, la brasserie occupe toujours le même bâtiment historique près de Kakunodate, dont les vitres artisanales centenaires donnent sur une cour contenant un arbre de 300 ans.

En hiver, on y découvre une brasserie active : pendant que l’odeur du riz à la vapeur s’échappe d’un immense tonneau de bois, deux hommes attrapent 20kg de riz fraîchement cuit dans une brouette énorme et le transportent aussitôt pour être brassé. Différentes variétés de riz sont utilisées, y compris le fameux Yamada Nishiki (adapté au saké de haute qualité) et l’Akita Komachi local, en plus de nouvelles variétés hybrides de l’Akita développées spécialement pour le saké, comme le Hyakuden ou l’Ichihozumi.

En face d’immenses cuves bleues et vertes qui occupent toute la verticalité de l’entrepôt, s’affairant dans une grande salle de cuves traversée par des échelles et des tuyaux, le toji (brasseur en chef) jovial, Shigemasa Ishizawa, nous invite à goûter les derniers sakés mis en bouteille par la maison. Que chacun-e trouve son plaisir dans une gorgée de saké Hideyoshi dégusté sur place, où les secrets de fabrication remontent au temps des samouraïs.

La jeune et jolie femme-dragon Tatsuko du lac Tazawa

Selon la légende, Tatsuko était une fille qui priait pour la jeunesse et la beauté éternelle. Elle suivit donc le conseil de la déesse Daizo Kannon de boire l’eau de source du mont Innaidake et se transforma aussitôt en dragon, seigneur éternel du lac Tazawa (田沢湖). Mais contrairement au Loch Ness, le lac Tazawa honore son dragon avec une statue dorée d’une jeune et jolie femme nue, perchée sur un piédestal de pierre et visible au sud-ouest du lac.

statue de Tatsuko au lac Tazawa

La suite de la légende raconte qu’un homme transformé en dragon qui habitait la lagune Hachiro tomba amoureux de Tatsuko, et s’en alla la rejoindre dans le lac Tazawa. Pour cette raison, la lagune perdait progressivement en profondeur, pendant que le lac devenait de plus en plus profond. Aujourd’hui, le lac Tazawa est le lac le plus profond du Japon, à 423,4 mètres. Venez un jour de beau temps pour contempler sa surface scintillante de différentes nuances de bleu : azur, indigo, cobalt, lapis lazuli…

Au nord du lac, le sanctuaire Gozanoishi (御座石神社) consacre la déité de la Princesse Tatsuko avec une autre statue, celle-ci avec une queue de serpent. Si le sanctuaire est dédié à l’épanouissement de la beauté, c’est la vue de son magnifique torii rouge à six colonnes planté juste au bord de la rive qui vaut bien le détour, quelque soit la saison ou les conditions météorologiques.

Yokote et Yuzawa : des entrepôts d’art et d’alchimie

Dans le sud de la préfecture d’Akita, près des mines historiques et de sources chaudes, les deux villes voisines de Yokote et Yuzawa maintiennent un équilibre délicat entre préservation, célébration et innovation.

Uchigura, les entrepôts privés secrets de Masuda

Au sud de l’Akita, dans le lieu fameusement enneigé de Masuda (増田) dans la ville de Yokote (横手), vivait autrefois une communauté de familles commerçantes. Pendant la période d’Edo, certains marchands de Mito qui ont suivi les seigneurs féodaux Satake ont émigré en tant qu’ingénieurs miniers, mais une grande partie de la richesse des marchands de Masuda qui venaient des régions de Kanto et du Kansai provenait du commerce de la soie, du tabac, du bois et du riz. Le paysage urbain de Masuda tel que nous le connaissons aujourd’hui s’est formé après la période Meiji et jusque dans les années 1950. Les gouttières les plus anciennes de Masuda ont été construites en 1868 ; les plus récentes datent de 1935. Les marchands ont construit des « entrepôts intérieurs » appelés uchigura (内蔵) au sein de leurs vastes résidences pour les protéger de la neige et de la pluie, sur le modèle des entrepôts en terre qui survécurent à de multiples incendies pendant la période d’Edo.

Invisibles de l’extérieur, souvent inconnus même des voisins, ces uchigura n’étaient accessibles qu’aux membres de la famille résidente. Aujourd’hui, une cinquantaine de ces uchigura recouverts de plâtre noir sont encore habités par les résidents de Masuda, pendant que certains sont ouverts au public. Ces espaces intimes, souvent comprenant une pièce de tatami avec une alcôve derrière une salle de réunion, nous donnent un autre aperçu de la vie quotidienne familiale d’une époque nostalgique.

Un musée à l’honneur du manga et l’art des mangakas

Le Musée du Manga de Yokote Masuda (横手市増田まんが美術館) propose à la fois un glorieux hommage à cet art populaire et un sérieux effort de préservation des œuvres originales de ces artistes dits mangakas. Ici la passion du manga s’exprime sur toutes les surfaces, du vitrail au-dessus de la porte d’entrée et tout autour des grands escaliers en colimaçon, au café où des illustrations décorent les murs et cadrent les tables, en passant par l’immense montage de planches de manga qui monte jusqu’au plafond, ou les blocs de katakana noirs géants qui se lisent « waou ».

Les archives du musée contiennent plus de 450.000 dessins originaux de 183 mangakas issus du Japon, de la Chine, de Hong-Kong, de Taïwan, de la Corée du Sud et de la Malaisie. Parmi eux, 11 artistes japonais vivants de styles très différents ont confié au musée la préservation de leur œuvre entière. La collection permanente comprend notamment 45.000 dessins du mangaka local Takao Yaguchi (矢口高雄), devenu le premier directeur honoraire de ce musée ouvert en 1995, et dont le portrait photo veille encore sur le coin bibliothèque dédié aux artistes de l’Akita.

extérieur du Musée du Manga de Yokote Masuda au bout d'une place couverte de neige en fin de journée

Mais la ressource incontournable de cette véritable mangathèque qui conserve la plus grande collection de dessins originaux du Japon, c’est l’«entrepôt» des archives et de consultation Manga Kura. On peut y rechercher, agrandir et examiner des dessins originaux numérisés en haute résolution sur un écran tactile, afin d’apprécier chaque trait du stylo accompagné des notes des auteurs à leurs assistants. Pour certaines œuvres, on peut aussi regarder tous les dessins originaux de l’épisode dans l’ordre, stockés dans une armoire à tiroirs.

L’alchimie gastronomique de la brasserie Yamamo

Juste au sud de Yokote dans la ville de Yuzawa, la brasserie de sauce miso et soja Yamamo (ヤマモみそしょうゆ醸造元) met l’art de la fermentation au service de la recherche culinaire et de l’innovation gastronomique. Fondée en 1867, la brasserie est dirigée depuis 2006 par Yasushi Takahashi (高橋泰), architecte de formation, héritier charismatique et mondain de la 7e génération. Le jeune brasseur infuse ce lieu historique d’une ambiance contemporaine qui exprime un savant mélange de cuisine expérimentale et de récits contextuels. On comprend mieux sa vision progressiste de la microbiologie culinaire au cours d’une visite gastronomique guidée qui met en scène des dégustations de plats fermentés expérimentaux dans les différents décors industrio-culturels du lieu.

Dans le petit entrepôt original, où les saveurs se croisent pour en créer de nouvelles, Takahashi nous présente le Viamver : un liquide de levure découvert par Yamamo et breveté en 2022. Le Viamver ajouté à une soupe de légumes aux grillons broyés rappelle une bisque umami ; le liquide cru évoque le goût aigre-doux du mirin. Dans l’entrepôt du moromi, où le koji de riz fermente avec des haricots de soja, du blé, de l’eau douce et la levure de Viamver, on mange du gibier d’ours fermenté avec le liquide Viamver, accompagné d’un vin orange 2020 doux et fruité, inédit car fermenté avec la même levure maison que le miso.

Si le Viamver se marie particulièrement bien avec la texture laiteuse du saké non raffiné doburoku, Yamamo l’utilise pour ajuster finement le goût de tous les plats servis dans le café. De la légère et exquise purée de tofu fermenté et de foie d’ayu cuite à la vapeur des eaux thermales d’Oyasukyo Onsen, à la viande succulente et adoucie de l’agneau fermenté pendant deux semaines, jusqu’à la crème brûlée sublime faite avec du miso âgé de 20 ans accompagnée d’une sauce de framboise aigre, on y découvre toute une palette de la fermentation gastronomique qui révèle des goûts subtils et des mariages surprenants.

En espérant que ce voyage éclair dans l’Akita vous donne le goût de l’aventure et de la découverte de cette région encore peu connue du Japon, bonne visite, bon voyage, et bon appétit !

Article écrit en partenariat avec Akita.

Cherise Fong

Cherise Fong

Originaire de San Francisco, résidente de Tokyo, voyageant de préférence à vélo, je suis toujours à la recherche de nouvelles pistes et de perspectives uniques pour faire le pont entre le paysage culturel et la topographie physique du Japon.